A l'heure où le peuple libanais s'insurge contre une corruption généralisée, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée émue envers ma patrie d'adoption. Qui ne va pas, comme pour beaucoup d'exilés du pays du cèdre, sans une pointe d'inquiétude quant à son avenir. Mais ma dernière exploration en date du street art libanais est antérieure à ce mouvement de contestation inédit. Pendant lequel, si j'en juge par les photos envoyées par l'une de mes nièces, l'art de rue a connu une belle efflorescence.
Toutes les routes qui mènent à Beyrouth mènent nécessairement au graph. Tout dépend ensuite de l'acuité de l'œil, des réflexes du conducteur ou de la conductrice, de la possibilité de l'arrêt. En cas de circulation intense et de conducteurs kamikazes (en fait, quasiment une constante), mieux vaut oublier ou, au mieux, prendre une photo vitre baissée en priant qu'elle ne soit pas floue. Lorsque se dessine une courte latence dans le flux des voitures, voire la possibilité de stationner, il faut descendre rapidement, sans la moindre hésitation pour capter les images. La prochaine marée de véhicules n'est pas loin. Mais le résultat en vaut souvent la chandelle, tant est riche le street art libanais. Souvent déconsidéré, il est rare qu'il fasse l'objet d'une commande (payée) ou d'une carte blanche (bénévole). Le parking du city mall ABC fait partie des notables exceptions. Ici, en toute légalité, les grapheurs ont pu déployer toutes les facettes de leur art. En dépit des automobiles parfois garées juste de vent, pouvoir fixer leur trace se révéla un vrai bonheur.