BOULOGNE SUR MER- CHAPITRE 2 : LES JEUX TROUBLANTS DE LA MÉMOIRE

On le sait, le temps passé joue avec perspectives et symétries, rayant, gommant, amplifiant ou amenuisant dans les champs de la mémoire la réalité d'un lieu. On le sait, mais sans cesse on se laisse prendre au piège. Boulogne sur Mer n'est pas comme dans mon souvenir et bien sûr je m'en étonne. Il serait tentant d'en imputer la cause aux transformations qu'a dû connaître la ville en quelques décennies. Mais au fond de moi quelque chose m'affirme qu'il n'en est rien. Que confronté à une configuration de la ville en tous points conforme à celle d'antan, je ne saurais en reconnaître les contours. Si la mémoire nous restitue plus vastes certains espaces, plus grandes certaines personnes qu'ils ne l'étaient en vérité, il arrive en revanche qu'à l'échelle d'une ville, elle tente de réduire celle-ci à des dimensions assimilables. Parce que nous ne connaissons souvent d'une cité que les espaces que nous avons coutume de fréquenter, quand ses limites s'en situent au-delà. Boulogne sur Mer me surprend par la multiplicité de ses quartiers, dont certains qui semblent agréables à vivre; par la richesse de ses architectures. La pluie, comme souvent dans le Nord, ne s'est guère éternisée. La carte que je tiens en main me projette d'un bout à l'autre de l'agglomération, m'entraîne vers des avenues autrefois ignorées. Si vaste se révèle le champ d'exploration que certaines œuvres pourtant remarquables échapperont à mon œil ; la mécanique du pas peine parfois à défier les horloges des gares. Toutefois les chocs se multiplient, comme autant de mini-séismes dans ce festival qui a l'intelligence de mêler des artistes locaux (tels les incontournables Gaawouell et) aux plus beaux fleurons de la scène nationale et internationale. Jouissance infinie de croiser, au fil de mes pérégrinations, des artistes dont je n'avais pu jusqu'alors contempler les œuvres qu'au gré d'expositions en galeries ou dans les arcanes d'Instagram. On a beau s'y préparer, être confronté à une fresque murale XXL de Kobra pour la première fois est une sensation que l'on n'oublie pas. Et quand elle se décline en double sur deux murs qui se jouxtent, l'extase visuelle n'est pas loin.