CALAIS 2019- CHAPITRE 2 : LE MUSÉE DES MERVEILLES

Toute rétrospective d'art urbain se confronte à l'espoir d'une impossible exhaustivité. Se verra reprocher de ne l'avoir atteinte et d'avoir dû opérer des choix nécessairement subjectifs et dans bien des cas radicaux. Les raisons d'une telle impasse sont naturellement multiples. A commencer, bien entendu par le problème de l'espace. Le street art a suscité, au fil des décennies et sur quasiment tous les continents, un nombre impressionnant de vocations et créations majeures. Quel bâtiment aux dimensions proprement pharaoniques pourrait contenir une telle effervescence, accueillant tout à la fois pionniers inspirés et jeunes pousses prometteuses ? Et combien de jours seraient nécessaires pour visiter une telle expo ? De plus, tous les artistes ayant marqué l'art côté rue ne sont pas nécessairement passés à la toile ou à tout support autre que les murs de la ville. Se pose parfois, également, la question du budget. Certains artistes ont vu monter si haut leur cote qu'il peut se révéler difficile d'acquérir certaines de leurs productions. Viendront ensuite les éternels reproches qu'il faudra affronter tête haute, concernant la non-pertinence supposée du street art dans un musée. Comme si les productions urbaines ne pouvaient tout à la fois investir la rue et les salles d'exposition. Comme s'il fallait s'affliger qu'un enfant de la rue voit en quelque sorte récompensées des mois, des années de travail. L'exposition "Conquête urbaine", au Musée des Beaux Arts de Calais, s'il privilégie davantage les courants figuratifs que les excroissances de l'abstrait (du tag au post graffiti), n'occulte pas pour autant totalement occulter ces derniers. Et livre au passage un impressionnant tracklisting, ou cohabitent  classiques et générations montantes. Levalet, Seen, Herakut, Gerrada, C215, Jeff Aérosol, Fintan Magee, Jérôme Mesnager, Vhils, Isaac Cordal, Obey, Miss Tic, Miss Van, Jeff Aérosol, Space Invader, : telles ne sont que quelques unes des têtes d'affiche de cet alléchant menu, dont la dégustation se poursuit sur plusieurs salles. Avec un considérable bonus : l'accueil. Quand j'arrive, tout imprégné de crachin, quel bonheur de pouvoir enfin poser mes bagages -qui m'ont suivi tout le long de mon périple pédestre- dans une consigne automatique entièrement gratuite. Puis d'explorer, quasiment seul ce jour-là, les différents espaces à mon propre rythme. Une certaine définition du bonheur.